Ateliers > Ecrits d'ouvriers

Une histoire européenne des représentations ouvrières du monde du travail

« dans et par le monde ouvrier »

 

Coordinateurs : Natalie Ponsard et Timothy Ashplant 

 

 

Session 1 : Jeudi 2 Novembre, 10h30–12h30 

 

Introduction par Natalie Ponsard et Timothy Ashplant       

   

"'Toil, brothers, toil, sing and toil': the world of work and the emancipation of labour in early Chartist Poetry."

Dr Mike Sanders, University of Manchester

 

1842 was a momentous year in British industrial history.  It was the year when the emerging industrial-capitalist order almost collapsed under the weight of three inter-connected crises; the political challenge represented by Chartism, the economic challenge of a mass strike-wave amounting to a General Strike, and the ideological crisis prompted by the publication of the Report of the Children's Employment Commission (1842).  All three crises were more or less directly related to changes which had been occurring in the world of work.  In the aftermath of 1842, working-class working and living conditions began to emerge as a topic for socially conscious middle-class writers, most notably in poems such as Elizabeth Barrett Browning's 'The Cry of the Children' and Thomas Hood's 'The Song of the Shirt' (both published in 1843) as well as in the 'Condition of England' novels which followed in their wake.  Both Barrett Browning's and Hood's poems were initially published in middle-class journals, Blackwood's Edinburgh Magazine and Punch respectively) and subsequently republished in the leading working-class and Chartist newspaper of the period, the Northern Star.

However, if the horrors of the industrial capitalist workplace (particularly its mines and factories) came as news to middle class readers in 1842, they were rather more familiar to working-class readers.  For example, in the four years preceding the publication of the Report the poetry column of the Northern Star published at least 28 poems dealing with the world of work.  This paper focuses on these representations of the working world produced by worker poets.  In particular, it considers the ways in which these poems understand and construct both the figure of the worker and the results of their labour.  Next, the paper compares these representations with those offered by the middle class poets Barrett Browning and Hood with a view to identifying points of ideological difference and similarity.  Finally, the paper seeks to chart the relationship between economics, politics, aesthetics, and working-class emancipation which these poems encode and enact.

 

 

Décrire la mine : trois régimes de représentation ouvrière du monde minier à Anzin à la fin du XIXe siècle

Samuel Hayat (CNRS/CERAPS)

 

Si les mineurs sont relativement bien représentés parmi les écrivains ouvriers, les descriptions littéraires de la mine par des ouvriers restent peu nombreuses. Au XIXe siècle, ces représentations sont presque inexistantes. Cela ne signifie pas pour autant que les mineurs n’écrivent pas (ou ne fassent pas écrire lorsqu’ils sont illettrés). Mais ces écrits sont alors pris dans des situations d’énonciation où l’écriture procède d’une intention autre que littéraire. C’est notamment le cas lorsque les ouvriers décrivent leur expérience de travail. Ces descriptions sont généralement inscrites dans des dispositifs de réflexivité induite : les mineurs sont amenés par la situation à décrire la mine.

Parce qu’elles procèdent d’une réflexivité (individuelle ou collective) sur la mine,  ces descriptions amènent les ouvriers à expliciter et à produire des jugements sur les normes qui règlent le monde des mineurs. Le but de ce papier est de montrer comment, chez les mineurs de la Compagnie des mines d’Anzin, à la fin du XIXe siècle, ces descriptions mettent en jeu deux systèmes de norme opposés : l’ordre patronal et l’ordre communautaire. Selon les situations d’énonciation, les mineurs d’Anzin qui décrivent le monde de la mine empruntent à ces deux ordres des registres différents de description, voire mettent ces ordres en opposition directe. Les représentations de la mine participent alors à une lutte symbolique entre ces deux ordres, lutte qui les amène à se reconfigurer en permanence.

Pour explorer cette politique des représentations ouvrières de la mine, sans prétendre épuiser l’ensemble des descriptions écrites de la mine, on explorera trois régimes différents d’écriture par ses travailleurs, à partir de trois corpus.

1° Les suppliques. Au XIXe siècle, les mineurs peuvent être amenés à écrire aux autorités (direction de la Compagnie, gouvernants…) pour leur demander secours, par exemple une réembauche après un renvoi. Ils se situent alors dans ce que James Scott appelle la « performance du respect ». Dès lors, leurs descriptions de la mine et de leur place dans le monde du travail empruntent principalement à l’ordre patronal, dont ils tentent de mettre en scène l’acceptation des normes.

2° Les discours de revendication. Les mineurs peuvent aussi s’adresser aux autorités pour leur porter des revendications, généralement de manière collective. On trouve ces revendications dans les placards et les lettres envoyées à la direction, notamment lors des grèves. Dans leurs descriptions de la mine, les mineurs mettent alors en jeu de manière explicite la coexistence entre l’ordre patronal et l’ordre communautaire, parfois pour indiquer la voie d’une réconciliation sur la base de normes communes.

3° Les discours mobilisateurs. Certains mineurs peuvent aussi écrire non pas en direction des autorités, mais des mineurs eux-mêmes. Les descriptions de la mine servent alors à requalifier l’expérience des mineurs, souvent dans un but de mobilisation. C’est notamment un ressort fondamental des descriptions publiées dans les journaux ouvriers syndicalistes de la fin du XIXe siècle. Il s’agit alors d’expliciter les normes de l’ordre communautaire, parfois en les contrastant fortement avec celles de l’ordre patronal, présentées comme incompatibles.

En rendant compte des différences entre ces trois régimes de représentation, on essaierai de saisir le processus par lequel l’hégémonie de l’ordre patronal se trouve peu à peu mis en question. En effet, notre hypothèse est que l’équilibre entre ces régimes est mouvant : si la supplique domine jusqu’à la fin des années 1870, on voit apparaître ensuite, notamment dans les grèves, des discours de revendication articulés, ainsi que des discours de mobilisation valorisant l’ordre communautaire – sans jamais que l’un des types de discours efface entièrement les autres.

 

 

Session 2 : Jeudi 2 novembre,  14h-15h30 

 

"Come with me (in imagination) through the factory doors":  a Young Tailoress Writes the World of Work

T. G. Ashplant (Centre for Life-Writing Research, King's College London)

 

In 1894, Ada Nield was a 24-year-old tailoress in Crewe, a medium-sized industrial and railway town in north-west England.  In May of that year, she wrote to her local newspaper denouncing the conditions in the garment factory where she worked.  It was the first of what became a series of articles published in the Crewe Chronicle over the following weeks.  The subsequent public controversy caused Nield to lose her job through victimisation.  By the end of that year she had joined both a trade union, and the Independent Labour Party (ILP), one of the pioneering socialist organisations.  In December 1894, she was elected as the first ILP member of the local Board of Guardians (which administered welfare under the Poor Law).  These few transformative months launched her on a 20-year career as a progagandist and organiser, first for the ILP, then for the Women's Trade Union League (WTUL), and finally for the "constitutional" (non-vilent) suffrage organisation, the National Union of Women's Suffrage Societies (NUWSS).

In this paper I will first examine the complex rhetorical strategies through which Nield, who had left school at the age of 11, seeks to persuade the readers of this local Radical (i.e. left-wing Liberal) newspaper, inviting them to "come with me (in imagination) through the factory doors".  As the campaign of victimisation unfolds, so does Nield seek to counter it through her vivid dramatisation of events.

I will then look at some examples of her subsequent campaigning and propagandist journalism in the publications of the ILP, WTUL and NUWSS, in which – when addressing such issues as the impact of lead poisoning in the pottery industry, or the need for the vote as a weapon against domestic violence – she strives to keep in focus the triple (intersecting and overlapping) identities of her class: as workers, as women, and as women workers.

 

 

Le monde du travail dans les autobiographies communistes
Ecriture, identité, pratiques militantes

Cecilia Bergaglio, Université des études de Gênes, Département de Science Politique

 

Ma proposition trouve son fondement dans la tentative de répondre à quelques questions essentielles concernant les représentations du travail donnés par les ouvriers communistes italiens et français pendant le XX siècle.

A partir d’une sélection de biographies rédigées par les militants ouvriers au moment de l’inscription au parti ou bien pendant la participation à l’une de ses écoles, le but est celui d’analyser le complexe processus de formation de l’identité de la classe ouvrière, à travers les modalités de construction et de transformation de soi. On a choisi deux laboratoires d’analyse, l’un en France, le deuxième en Italie, en tant que lieux d’observation, d’étude et de dénouement des thèmes les plus significatifs liés à l’identité des différentes générations militantes et à leur représentation du monde du travail, à partir des années Vingt du XX siècle jusqu’au les années Soixante-dix.

En ce qui concerne la France, on a choisi la région Rhône-Alpes, qui se caractérisait par des aspects économiques, sociaux, géographiques et anthropiques très intéressants. En ce qui concerne l’Italie on a tout naturellement choisi le Triangle Industriel qui constitue une macro zone aux caractères sociaux et économiques communs où le PCI a joué un rôle important et tout à fait différent par rapport aux autres zones sub-culturelles de la péninsule. Ce qui lie d’une façon profonde les six réalités est leur personnelle déclinaison du système économique et industriel de chacune : Milan et son industrie diffusée, Turin et son système Fiat, Gênes et son industrie d’Etat, Lyon et sa mécanique, Grenoble et son industrie technologique, Saint –Etienne et ses bassins houillers.

La plus récente historiographie internationale a posé plusieurs questions sur l’utilisation des autobiographies dans le monde communiste. Bien que les productions autobiographiques des militants communistes soient caractérisées par une incontestable rigidité, elles ne sont pourtant pas neutres, mais elles constituent une typologie de sources prometteuse, aussi pour essayer d’identifier quelques questions ouvertes par l’atelier dédié aux autoreprésentations, en perspective transnationale: i) processus de formation identitaire, culturelle et politique des ouvriers communistes ; ii) analyse de la pratique de l’écriture dans le monde communiste : l’autobiographie produite par le militant est, en effet, la mesure symbolique de son capital politique, ce qui lui confère d’une manière temporaire, légitimité et possibilité de progression à l’intérieur du parti.

Les modalités rituelles par lesquelles chaque individu est constamment soumis au contrôle et à la vérification, (par procès publiques, aveux, autocritiques et modalités d’expiation de fautes présumées ou réelles) donnent

lieu à un phénomène complexe et en apparence incompréhensible sans le support de l’anthropologie, de la psychologie et de la sociologie ; III) analyse des représentations du monde du travail : pratiques politiques, syndicales, de productions et de lutte, « dans et par le monde ouvrier ».

 

 

Session 3 : Jeudi 2 novembre, 16h-17h30

 

Arbeiterkultur between marxism and national socialism: german workers’ journals and the decline of Weimar (1925-1935)

Vanessa Ferrari, PhD

 

Germany has a long history of worker-writers which started back in the 19th Century and continues until today. Through the years, in their poems and novels workers have described their private as well as their factory life, revealing some key aspects of their representation(s) of work.

Most of these worker-writers were amateurs who - before or after a work shift - tried to express themselves in verses. Still, some of them actually managed to start a career as professional writers. They usually published their first works on workers' journals (in German: Betriebszeitungen or Werkszeitungen/Werkszeitschriften). These journals could be politically oriented, factory-centered or independent.

With the crisis of the Weimar Republic, beside SPD and KPD (the socialist and the communist party of Germany), the Nazi Party (NSDAP) started to get interested into this peculiar media too and began to print its own workers' journals, where right-wing blue-collar workers found a place to publish their novels and poems. At the same time the industrialists, united in the DINTA (Deutsches Institut für technische Arbeitsschulung), also decided to influence the workers' representation of work by promoting their own workers' journals.

In my speech intend to investigate this literature written by and for the German workers by comparing the described types of workers' journals published at the end of the Weimar Republic. My aim is to describe the evolution of the genre until the Third Reich and particularly until 1935, when industrialists' and Nazi workers' journals merged in order to promote a right-wing representation of German Work and German Workers.

 

 

Narrating the Strike: Harold Heslop and the Left Review

Christos Efstathiou, Teaching Fellow in Historiography at the University of Warwick. He recently published his book “E. P. Thompson: a Twentieth-Century Romantic” (Merlin Press, 2015). He specialises in labour history and historiography.

 

The paper will try to reveal why and how Harold Heslop’s ‘proletarian novel’ influenced other working-class writers of the 1930s. Heslop, coalminer and author, published his first novel in 1929, The Gate of a Strange Field, which was about the 1926 General Strike. Soon he became one of the most influential voices of the working-class literature; his name appeared in the pages of International Literature, the main organ of the International Union of Revolutionary Writers. One of his novels was turned into a screenplay by Yevgeny Zamiatin, though it was never produced as a film.

The paper will discuss some interpretations of his work and try to situate Heslop’s writings in the context of the experiences of the British working-class in the interwar period. Secondly, it will focus on some common themes between his work and that of other working-class authors in the Left Review. Finally, it will try to explain why Heslop was seen as a role model by several Left Review writers. More specifically, it will try to understand why he even impressed people like Alick West, who would generally deplore ideological slant and sentimentalism, and what Heslop’s influence meant for working-class writing in the 1930s.

 

 

Session 4 : Vendredi 3 Novembre, 11h-12h30 

 

The representation of labor in the International Labor Organization (ILO) through autobiographical accounts of two Spanish union leaders

 Pilar Domínguez Prats, Universidad de Las Palmas de Gran Canaria, Spain

 

This paper focuses on the analysis of two texts written by women who were representatives of Spain in the ILO during the II Republic (1931-1939). They were Isabel de Palencia and Regina García, who wrote press articles and autobiographical accounts: “Yo he sido marxista” (I was a Marxist) by García and “I must have liberty” by De Palencia, in which they told about their experience in this international organization, representing the socialist union UGT and the Spanish Socialist Worker’s Party.

Both women had a urban middle-class background, but their accounts offer very different perspectives on worker reality; while Isabel writes from the exile, defending the accomplishments of the Republic in terms of worker’s rights and female labor, her colleague Regina had disavowed her unionist past and lived under Franco’s regime, which dismantled the progress that the Republic had made.

Their writing revolves around the representation of women’s labor, as this was one of the main themes debated on the ILO during the 1920’s and 30’s.

 

 

 « Traduire des silences » : itinéraires de recherche et travail d’écritures d’un « groupe d’ouvriers » dans les années 1970 (Bassin stéphanois, Loire).

Alban Graziotin, enseignant d’histoire-géographie dans le secondaire (bassin stéphanois). Membre (co)fondateur du GREMMOS depuis 2007 (Groupe de Recherches et d’Etudes sur les Mémoires du Monde Ouvrier Stéphanois) ; membre de l’AFHMT.

 

Durant les années 1970, dans le bassin stéphanois (Loire), un mystérieux « groupe d’ouvriers » réalise une série de quatre rapports (dont deux édités) pour le compte du CORDES (Commissariat Général du Plan). Ces études, par leurs caractères singuliers, qu’il faudra déterminer et analyser, posent question. Si elles participent d’une « prise de parole », d’une écriture « ouvrière », qui s’inscrivent dans une centralité ouvrière beaucoup plus large qui inonde alors nombre de discours sur ou par les ouvriers, ces études posent néanmoins question quant à leur mode d’élaboration, leurs auteurs, leurs objectifs.

Il s’agira dans cette communication de lever le voile sur certains aspects de ces travaux (modalités et itinéraires d’écritures ? rédacteurs ?...) plus que de procéder à une analyse fine des thématiques étudiées (effets traumatisants d’un licenciement collectif sur les ouvriers ; articulation entre travail, classe sociale et famille ; le mépris envers les ouvriers à l’usine ; l’usine de demain vue par les ouvriers). Ces aspects seront abordés non pour eux-mêmes mais sur ce qu’ils disent de l’expérience ouvrière traduite en mots et sur l’expérience d’une écriture ouvrière « scientifique » ou « scientifisée », qui a pour objectif de « traduire des silences », mais aussi des paroles, à l’écrit.

De part le ton, le style, les errances méthodologiques des auteurs, les influences réciproques qui s’installent entre « chercheurs-intellectuels » et « chercheurs-ouvriers », ces rapports interrogent, bouleversent et travaillent les manières de produire des discours par et sur les mondes ouvriers (et plus largement sur les classes populaires), hier comme aujourd’hui.

En tentant une généalogie de ces travaux, il s’agira de comprendre comment, puis pourquoi, ils ont été produits ; comment ils ont évolué et dans quel(s) sens ; comment, puis pourquoi, ils ont construit, progressivement, un « nous » « ouvrier ». On verra aussi la « place » qu’occupaient les intellectuels dans ce groupe (dont un prêtre-ouvrier docteur en sociologie et une figure imminente de la sociologie française des années 60-70), ainsi que leurs (r)apport au groupe et à la recherche. Enfin, de part leur statut de source, nous nous interrogerons sur les usages possibles, dans les sciences sociales, et principalement en histoire, de tels documents.

 

Session 5 : Vendredi 3 novembre,  14h-15h30

 

Militant cinema, social memories and narratives on work

Luísa Veloso & Frédéric Vidal (Instituto Universitário de Lisboa)

 

The aim of this paper is to analyse different narratives generated by a long social conflict that took place in the summer of 1974 in Portugal, just a few months after the revolution that established the democratic regime. In the context of the revolutionary process, Applied Magnetics, an American multinational operating in Sacavém, a city located in the outskirts of Lisbon, was involved in a social conflict that was to last until the end of 1975. The struggle of the Applied Magnetics workers was to acquire great social significance and a degree of media attention as a resistance movement against the domination of international capitalism. This conflict formed the basis of two militant films: Applied Magnetics – the beginning of a struggle (1975) and Against the multinationals (1977), both produced by the filmmakers’ cooperative Cinequipa. Based on a set of interviews and screening sessions of these films, we propose to discuss the existence of three types of narratives produced by three groups of social actors: i) a member of the Cinequipa cooperative and one of the journalists involved in the films’ development; ii) two political activists and members of the former Applied Magnetics Workers' Commission; iii) and a group of former workers from Applied Magnetics without specific militant involvement. The relationship between cinema and narratives about work allows us to reflect on the mechanisms by which cinema contributes to the construction of social memories, which differ according to the objective social conditions of the social actors. 

 

 

Genèses d’archives militantes : premières hypothèses sur des pratiques photographiques amateures en milieu ouvrier

Xavier Nerrière et Annie Colovald (Centre d’histoire du travail de Nantes / Centre nantais de sociologie, UMR 6025)

 

Le Centre d’histoire du travail de Nantes (CHT – centre d’archives et de documentation dédié à l’histoire ouvrière et des luttes sociales en Loire-Atlantique – association Loi 1901) reçoit depuis longtemps des photographies (en argentique ou en numérique ) prises en amateur par des ouvriers ou des membres de groupes populaires sur leur lieu de travail ou sur des actions protestataires (grèves, manifestations…). Il a lancé avec le CENS (Centre nantais de sociologie, UMR 6025) une enquête sur ces photographes amateurs, notamment en menant avec eux des entretiens biographiques longs (autour d’une quinzaine pour le moment d’une durée comprise entre 1h30 et 3 heures). Dans cette communication, nous voudrions revenir sur cette culture visuelle ouvrière sous deux angles :

  1. Les trajectoires et les moments qui les scandent conduisant à cette pratique culturelle
  2. Les différents usages (individuels et collectifs, publics et privés…) qui sont faits de ces photographies et les significations parfois inattendues et changeantes qui leur sont alors attachées.

Il s’agira ainsi de réfléchir aux modalités par lesquelles un sens militant (et / ou patrimonial) est conféré a posteriori à des images dont la destination initiale n’est pas bien définie et se limite souvent à une sphère privée.

 

 

Session 6 : Vendredi 3 novembre, 16h-17h30

 

Le rôle des rencontres ouvriers/intellectuels dans l’écriture et dans l’édition des textes ouvriers

Eliane Le Port (Université Évry Val d’Essonne)

 

Le lecteur curieux de découvrir à la Bibliothèque Nationale de France le premier recueil de poésie publié du forgeron Théophile Malicet[1] trouvera une dédicace au stylo sur la deuxième page : « A Mme Henri Barbusse, en souvenir de notre bien-aimé grand frère à tous (ce livre est un don n° 6700363) ». Trace scripturaire du soutien apporté par l’écrivain à la littérature prolétarienne et de son rôle pour la reconnaissance d’écrivains à la périphérie du champ littéraire dans les années 1930, la dédicace témoigne également d’une réalité spécifique à l’écriture ouvrière, l’intervention d’acteurs extérieurs aux mondes ouvriers.

Dès lors que l’on s’interroge sur la parole des ouvriers et des ouvrières, se pose en effet la question des rencontres et des collaborations avec les intellectuels – universitaires, écrivains et journalistes – et ce qu’elles recouvrent. Les récits ouvriers publiés dans la seconde moitié du XXe siècle et davantage encore les entretiens menés auprès des scripteurs indiquent l’intervention d’intermédiaires en particulier au moment de l’édition. Chaque époque remettant en scène ces échanges, notre communication propose d’en saisir les modalités et les évolutions afin de comprendre le rôle joué par les figures intellectuelles auprès des ouvrières et des ouvriers et de mesurer l’impact des rencontres sur l’écriture et la publication. A travers les types de collaborations, trois dimensions seront abordées : les incitations à l’écriture, les intermédiaires de l’édition et les attentes éditoriales à l’égard de la parole ouvrière.

 

                                             

Conclusion: discussion générale sur les thèmes de l'atelier

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Théophile Malicet, Sur le flanc du cratère, Dinant, Imprimerie L. Bourdeaux-Capelle, 1936.

 

 

 

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